Le scandale sanitaire et environnemental des pesticides interdits
Depuis plusieurs années, et particulièrement ces dernières semaines, les débats autour du glyphosate s’enchaînent. En septembre 2018, en France, l’utilisation de cet herbicide controversé a de nouveau été autorisée par les députés de l’Assemblée. Mais les enjeux sur la réglementation des pesticides et herbicides se jouent aussi ailleurs dans le monde.
Des pesticides interdits… mais toujours utilisés
En matière d’aberration, la réglementation sur les pesticides obtient la palme d’or. Saviez-vous, par exemple, qu’un pesticide interdit car trop dangereux peut être ré-autorisé par simple dérogation ? La France semble d’ailleurs être la championne en matière de dérogations aux restrictions d’usage des pesticides : 58 demandes en 2016, contre 10 en moyenne dans l’UE. Ainsi, certains pesticides et herbicides chimiques interdits continuent d’être utilisés. C’est notamment le cas de la trifluraline, un des herbicides les plus utilisés. En mars 2008, l’utilisation de trifluraline a été interdite dans l’Union européenne en raison de sa toxicité sur les poissons et la faune aquatique. Cette substance est également très irritante et classée comme « substance cancérogène possible ».
En 2016, l’Union Européenne a pourtant voté la dérogation et ré-autorisé l’utilisation de trifluraline par les agriculteurs. Ces dérogations d’usage sont valables « pour une durée inférieure à 120 jours dans des cas exceptionnels pour faire face à un danger imprévisible qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens ». Pendant 120 jours, soit presque une saison culturale complète, des pesticides et herbicides interdits peuvent donc être utilisés en toute impunité. Pour certaines associations et ONG, ce système de dérogations n’est ni plus ni moins qu’un moyen de contourner la législation européenne sur l’autorisation des pesticides. A l’origine, les ré-autorisations devaient être exceptionnelles. Pourtant, on observe une explosion de son utilisation : de 2007 à 2010, le nombre de dérogations accordées en Europe a augmenté de 500 % (59 en 2007 contre 321 en 2010) !
Des pesticides retrouvés dans le sol 25 ans plus tard
Certains pesticides sont bel et bien interdits depuis des années. Pourtant, leurs traces sont toujours présentes. A l’heure actuelle, la Guadeloupe et la Martinique font face à un scandale sanitaire : la population des Antilles, y compris les enfants, est contaminée à la chlordécone. Cet insecticide a été utilisé à partir de 1972 pour lutter contre les charançons des bananiers, principalement en Guadeloupe et en Martinique. En 1990, la France interdit finalement son utilisation : la chlordécone est considérée comme un perturbateur endocrinien qui peut altérer la fertilité et être cancérogène. Mais, entre 1990 et 1993, l’utilisation de chlordécone est ré-autorisée dans les Antilles par l’accord de 2 dérogations.
La chlordécone est une molécule persistante, pouvant contaminer les sols pendant 700 ans. Pire encore, elle se retrouve encore aujourd’hui dans les cours d’eau et dans toute la chaîne alimentaire (bétail, poissons, légumes racine »…). Selon Santé publique France, 95% des Guadeloupéens et 92% des Martiniquais présentent un taux de chlordécone par litre de sang trop élevé. La chlordécone est notamment connue pour augmenter le risque de cancer de la prostate. La Guadeloupe et la Martinique font partie des zones les plus touchées par cette maladie : 2 fois plus qu’en métropole. La Martinique détient tristement le nombre de cas de cancer de la prostate le plus élevé au monde. Coïncidence ?