Doit-on avoir peur de nos usines ?

Le 26 septembre 2019, la ville de Rouen et ses 110 000 habitants ont été recouverts par un gigantesque panache de fumées noires. En cause : un incendie qui s’est déclaré dans l’usine Lubrizol, fabricante d’additifs pour lubrifiants. La situation est d’autant plus inquiétante que cette usine est classée Seveso. Elle fait donc partie de ces sites industriels présentant des risques d’accidents majeurs et nécessitant un haut niveau de prévention. La France compte près de 1200 sites comme celui-ci. Alors que les habitants de Rouen sont très inquiets pour leur santé, doit-on légitimement avoir peur de nos usines françaises ?

Des accidents majeurs

Malheureusement, l’histoire de la France a été rythmé par des accidents majeurs à l’image de l’explosion de l’usine AZF de Toulouse en 2001. Cette usine chimique, classée Seveso, a déversé une quantité importante d’ammonitrates à la suite de l’explosion d’un de ses hangars. La catastrophe fera 31 morts, des milliers de blessés et d’importants dégâts matériels. Sans compter les répercussions environnementales : pollution de la Garonne à l’ammonium, mort de milliers de poissons… Si la piste de l’accident chimique a été privilégiée, de nombreuses associations de l’environnement avaient rappelé les mises en garde qui avaient été faites concernant la vétusté du site. Pourquoi des mesures de remise aux normes n’ont pas été prises plus tôt ?

L’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen, qui s’est déclaré dans un entrepôt contenant des barils d’huile, pose lui aussi beaucoup de questions. D’autant plus que ce n’est pas le seul accident industriel engendré par cette usine. En 2013, l’usine Lubrizol avait laissé échapper du mercaptan, un gaz toxique par inhalation à fortes doses et dangereux pour l’environnement. L’accident du 26 septembre a, quant à lui, engendré un nuage toxique de 22 km, une pollution de la Seine ainsi que des dépôts de suie et d’hydrocarbures importants. L’usine Lubrizol stockait également des produits radioactifs mais qui n’ont apparemment pas été touchés par l’incendie…

Des mesures à prendre pour sécuriser les sites Seveso

La catastrophe de l’usine Lubrizol soulève l’importance de sécuriser davantage les sites classés Seveso. Pour faire face aux risques des accidents industriels, la France dicte des Plans particuliers d’intervention (PPI) pour chaque site comportant un risque majeur. Le PPI expose les différents moyens de secours et les règles à suivre en cas d’accident. Mais c’est un dispositif en aval mis en œuvre après la catastrophe. Ne serait-il pas plus judicieux d’agir en amont en sécurisant davantage nos usines classées Seveso ? Même si nous ne connaissons pas encore les causes de l’incendie de l’usine Lubrizol, comment un tel accident peut survenir alors qu’elle est « sécurisée 24 heures sur 24 » ?

Bien les risques soient connus, l’État n’envisage pas une sécurisation des sites. Notons également que certaines installations sont classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en raison des risques importants de pollution des sols ou d’accident qu’elles présentent. Pour autant, elles ne relèvent pas de la directive Seveso et ne sont donc pas soumises aux mesures de sécurité renforcées.